Sofien Chahed , Espace Diwan

Interviews

Sofien Chahed , Espace Diwan

Mdinti : A la Médina, chaque bâtisse a une histoire. Quelle est celle qui se cache derrière ces murs ?
Sofien : Ces pierres abritent depuis longtemps la culture de la Tunisie. Avant de devenir « L’Espace Diwan », la librairie référence, cette bâtisse accueillait l’une des pâtisseries les plus connues et reconnues de Tunis « Halawiyet El Caouch » qu’on appelait aussi Halawiyet El Bey (les pâtisseries du Bey) de la famille El Béhi dont la maison familiale est à côté ainsi que la Zaouia de Sidi El Béhi . Les gens venaient de partout pour goûter à ces sucreries ancestrales dont le secret était jalousement gardé. Avec le temps, les anciens étant partis et les descendants ayant poursuivi de grandes carrières dans d’autres domaines, la pâtisserie a fini par fermer ses portes après un siècle et demi, dans les années soixante-dix, à représenter dignement la culture culinaire de la Tunisie.

Mdinti : Mais comment est venue l’idée d’en faire un espace culturel ?
Sofien : A la fin des années quatre-vingt, Si Iyadh El Béhi, médecin de formation mais grand amateur d’art et d’histoire, collectionneur dans l’âme, revient en Tunisie après une carrière en France et décide de lancer le projet de l’espace Diwan. Un espace pensé comme une vitrine de la grande histoire de la Médina et de la Tunisie.

Mdinti : Pourquoi avoir choisi « L’Espace Diwan » comme nom ?
Sofien : Ici ce n’est pas uniquement une librairie, le projet a été pensé comme une référence en terme de patrimoine et d’histoire. Un espace culturel polyvalent. Et, Diwan dans le sens recueil. Ne dit-on pas le diwan du poète ? Cet espace a été voulu donc par Si Iyadh comme un petit espace recueil de tout ce qui a attrait à l’histoire et au patrimoine de la Tunisie. Un espace référence pour les chercheurs et visiteurs en quête de savoir.

Mdinti : En effet, à part les livres de recherches, les beaux livres et les éditions rares, nous sommes émerveillés par ces magnifiques affiches, cartes postales et photos anciennes.
Sofien : Oui ! Ici, nous avons une grande collection de publications rares en tout genre. Nous en avons même prêtées à plusieurs reprises pour des expositions sur la Tunisie. Nous avons toujours privilégié le partage et l’échange. Dans cette optique, nous avons aidé sur des travaux de recherches importants sur la Tunisie en prêtant de la documentation en tout genre à des chercheurs du monde entier. Nous avons également procédé à la réédition de livres anciens….

Mdinti : Vous-même, Si Sofien, vous êtes un visage emblématique de l’Espace Diwan…
Sofien : Il faut dire que je suis ici depuis 1993… Je tiens le fort depuis presque trente ans…
Mdinti : En ces bientôt trois décennies, vous avez vu la Médina évoluer…
Sofien : J’ai vu le changement s’opérer dans la Médina… Malheureusement, il y a eu un déclin qui s’est opéré avec le temps. Les habitants de la Médina l’ont quittée. Les commerces ont changé. La Médina a commencé à perdre son statut de protectrice du patrimoine. Cela a commencé déjà avant la révolution mais cette dernière décennie a vu une dégénérescence inquiétante.

Mdinti : Cela est-il toujours le cas ?
Sofien : Heureusement que les vaillants défenseurs de la Médina sont toujours là. Avec le GIE Mdinti, s’offre à nous une opportunité d’allier nos forces pour redonner à la Médina sa place d’antan. Cela permettrait de redynamiser les rues de la Médina pour lui rendre son attrait.

Mdinti : Quelles sont vos espoirs pour la reprise après cette terrible épreuve du Covid ?
Sofien : Nous espérons reprendre nos séances de dédicaces de livres, de lectures privées et de rencontres autour des livres et de l’art, d’expositions d’art. Les idées ne manquent pas et les projets dans les tiroirs n’attendent qu’à être mis en place…