Wissem Hammami Nabli, créatrice de la marque colorée Roumouz

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Wissem Hammami Nabli, créatrice de la marque colorée Roumouz

Tous juste diplômée de l’École des Beaux-Arts de Tunis et forte d’une formation artistique complète, Wissem Hammami Nabli, part s’immerger dans le monde de l’artisanat et des savoir-faire ancestraux. A côté des maîtres potiers de Nabeul, elle s’initie au métier et développe ses créations. C’est suite à cela qu’elle ouvre le premier atelier Roumouz.

Après des années d’expérience et de reconnaissance, Wissem nous reçoit dans sa boutique de la Médina de Tunis pour nous parler de ses débuts, de son amour pour la Médina et de ses projets d’avenir.

Après des années d’expérience et de reconnaissance, Wissem nous reçoit dans sa boutique de la Médina de Tunis pour nous parler de ses débuts, de son amour pour la Médina et de ses projets d’avenir.

Mdinti : Comment vous ai venu l’idée de créer « Roumouz » ?

Wissem : Une fois mon diplôme en poche, ça s’est presque posé comme une évidence !

Au début mon atelier était situé dans la maison de mes parents, au garage, j’ai délogé la voiture de mon père et j’y ai installé mes affaires. J’ai commencé en tentant et en ratant beaucoup. Puis on a évolué. Il y avait une bonne équipe à la délégation de l’artisanat, ils nous ont aidé pour qu’on puisse louer un local dans le village artisanal de Denden et c’est là que tout a vraiment commencé. Les gens commençaient à me connaître. J’ai compris l’importance des foires et des salons. A mes débuts, j’avais un style complètement différent, je n’étais pas aussi “colorée” que ça. J’avais des couleurs sur moi, dans la façon de m’habiller, mais mes œuvres, elles, restaient terreuses avec des finitions berbères à la mode. Tout ça me plaisait oui mais ça plaisait surtout aux italiens. Je me rappelle d’un groupe d’italiens qui m’avait acheter toute ma collection. Et c’est là que j’ai eu le déclic. je me suis posé et il y a eu cette voix à l’intérieur “You need to change” ! A la même époque, je suis parti, tout à fait par hasard, en Espagne. J’y suis resté deux semaines. Puis j’y suis retourné. Et là-bas j’ai vu ce qu’ils faisaient, ce qu’ils arrivaient à créer avec de la céramique. Tout un monde nouveau s’est ouvert à moi. Je suis rentrée chargée. Et c’est là qu’a vraiment commencé l’aventure colorée de Roumouz.

Mdinti : Racontez-nous votre processus de création…

Wissem : Nous avons réussi à créer une marque et une ligne différente de tout le monde. Nos produits ont évolué et après la céramique, nous avons lancé d’autres produits comme des sacs, des vêtements, des couffins, … Tout ce qui touche à l’artisanat, j’y mets ma patte. On fait également des bijoux fantaisies. On essaye de répondre à la demande de notre clientèle. Nous touchons donc à tout ce qui les intéresse, mais toujours avec notre style et nos symboles. Les collections se font selon la demande, selon le marché. Les produits qui marchent se voient améliorer, les produits qui marchent moins, je les garde parfois quand ils ont une place particulière dans mon cœur. J’ai aussi une équipe derrière moi, dans les boutiques et dans l’atelier. Je les ai formé et ils sont restés avec moi. Ils me conseille, m’aident. Ils me remontent des informations précieuses qui m’aident dans mon processus de création. Le travail est donc partagé, je prends en considération leur avis, je les laisse introduire leurs touches dans certains produits, … Ainsi, entre mon avis et le leur, nous réussissons à créer des produits qui plaisent au plus grand nombre. 

Mdinti : Pourquoi la Médina de Tunis ?

Wissem : J’ai toujours été fasciné par les souks de la Médina. Ils ont un charme qui ne me laisse pas indifférente. Mon installation à la Médina est plutôt le fruit du hasard. J’ai mon amie qui a El Ali, un jour elle m’appelle pour me proposer de m’installer à la Médina. A l’époque nous allions lancer une boutique ailleurs, mais on sait dit “et pourquoi pas la Médina”. Elle m’a d’abord accueilli à El Ali et ça a tout de suite prit. On a continué ainsi pendant quelques années, puis est venu le moment pour nous de nous installer dans notre propre local. Grâce à notre expérience à la Médina, on a distingué deux groupes de clientèle, ceux qui viennent de Bab Bhar et qui s’arrêtent à la Mosquée Zitouna et ceux qui viennent de la Kasbah et qui s’arrêtent également à la Mosquée Zitouna ! Il y avait donc une zone oubliée de la Médina. On a commencé à chercher un local vers la Kasbah car nos clients se plaignaient qu’on était trop loin pour eux. Tout s’est fait très vite, on ne cherchait pas vraiment, on comptait ouvrir la boutique au bout d’un certain temps, mais voilà, au détour d’une ruelle, mon mari demandait aux commerçants des adresses à visiter et au bout d’une semaine on était les heureux locataires de notre boutique actuelle. J’aime notre boutique, l’espace y est ouvert, ses murs sont de caractère avec leurs pierres apparentes. J’adore la rue dans laquelle nous sommes, pour moi, cette rue résume parfaitement Tunis et sa Médina.

Mdinti : La pandémie vous a-t-elle affectée ?

Wissem : La clientèle de la Médina n’est pas la même que celle des autres quartiers des banlieues de Tunis. Ici nous sommes très dépendants du tourisme. Il n’est pas rare que nos revendeurs à la Marsa ou ailleurs vendent plus de produits que nous. Nos clients tunisiens ne viennent pas à la Médina spontanément. Avec le Covid, nous accusons le coup…

Mdinti : Quels sont vos plans futurs ?

Wissem : Malheureusement la Médina manque cruellement de boutique et de magasin d’artisanerie de luxe. Rien ne se renouvelle, les vieilles boutiques restent cloisonnées dans leurs vieilles pratiques. Nos produits du terroir mériteraient une place de choix dans les produits proposés ici. C’est pourquoi nous avons décidé de diversifier notre offre et de lancer un coin épicerie fine dans nos boutiques de la Médina. AU début, nous commercialiserons les produits de partenaires, quelques produits bien choisis qui répondent aux envies de nos clients et des touristes. Nous testerons le concept pendant 6 mois. J’espère que ce premier pas servira à d’autres pour lancer des épiceries fines de nos produits tunisiens du terroir ici à la Médina. J’espère voir un jour la Médina grandir et devenir un pôle de l’artisanat de luxe.  

Mdinti : Il y a donc de l’espoir…

Wissem : La Médina mérite que l’on s’en occupe. Elle est aujourd’hui un petit peu à genou, j’espère que d’autres personnes viendront nous aider à la relever et à lui redonner l’éclat qu’elle mérite. J’espère que le projet Mdinti réussira et que nous nous donnerons tous la main pour le bien de la Médina.