Zouhair Ghorghar, Parfumerie Zitouna

Interviews

Zouhair Ghorghar, Parfumerie Zitouna

Il y a 20 ans, Zouhair Ghorghar se lançait à la conquête de la Médina de Tunis et son souk des parfumeurs dont il était tombé amoureux. Vingt ans durant lesquels Zouhair a appris les ficelles du métier qui le faisait rêver jusqu’à ouvrir sa propre parfumerie, « Al Zitouna ».

C’est dans cette petite échoppe pittoresque, accolée au mur de la Mosquée Zitouna, qu’il nous reçoit pour nous conter son parcours hors du commun et nous faire partager sa passion.

Mdinti : Comment est née votre passion pour la Médina et ses parfums ?

Zouhair : Déjà très jeune, je rendais visite à mon oncle, parfumeur depuis 1948 à la Médina de Tunis ! Il y avait une boutique au souk Al Attarine où il vendait parfums et autres produits nécessaires à la dote de la mariée. Très vite, mes visites se sont rapprochés jusqu’à passer toutes mes vacances scolaires avec lui. J’adorais passer mon temps dans sa boutique, entouré de parfums et d’anecdotes, partageant et discutant avec les clients aux histoires aussi diverses que variées. Il faut dire que les clients de la boutique étaient, et sont toujours, d’ailleurs, particuliers. Ceux qui viennent acheter leur parfum dans les échoppes de la Médina sont spéciaux. Ils ne viennent pas juste pour acheter. Nous construisons des échanges autour d’un moment clé et joyeux, très souvent un mariage en préparation…

Mdinti : Cela semble avoir fait naître en vous une vocation ?

Zouhair : En effet ! Je passais donc mes vacances dans la boutique de parfums de mon oncle. Et de là, tout naturellement, à tout juste vingt ans, en 2002, j’ai officiellement rejoint mon oncle en tant qu’apprenti. Mes débuts étaient donc ceux d’un passionné, quelqu’un qui mourrait d’envie d’entrer dans ce monde et de le découvrir. J’avais trouvé ma vocation. Dans cette boutique, j’ai appris les ficelles du métier et ai amélioré mes compétences linguistiques.

Mdinti : Comment en êtes-vous arrivés à ouvrir votre propre parfumerie ?

Zouhair : Après la révolution de 2011 mon oncle a vendu sa boutique. Ça m’avait rendu tellement triste. Suite à cela, on m’a proposé de travailler dans d’autres échoppes, dans des bazars de vêtements… Je suis polyglotte. Je parle l’arabe, évidemment, le français, l’anglais, l’italien, l’espagnol et un peu d’allemand. Donc, mon profil était très recherché dans les souks de la Médina de Tunis pour communiquer avec les touristes. Mais ça c’était avant….

J’ai refusé, je voulais continuer à travailler dans la parfumerie. C’était ma vocation. J’ai travaillé dans une autre échoppe mais c’était pas pareil. Travailler sous les directives d’un patron ne me convenait pas. Nos visions ne concordaient pas. J’ai continué ainsi pendant 1 an et demi avant d’ouvrir ma propre parfumerie « Al Zitouna ».

Une petite échoppe mais sur une artère principale et en plus accolée à la Mosquée Zitouna. Une belle petite parfumerie !

Mdinti : Dites-nous en plus sur vos produits…

Zouhair : Pour les parfums, la plupart sont locaux. D’autres viennent de contrées plus ou moins lointaine, du Cambodge, du Moyen Orient, de Grèce, de France…

Tous les autres produits sont locaux. Un parfumeur ne vend pas que des parfums mais tout ce qui a attrait à l’apparat des femmes, des produits de beauté, de soin, tout est naturel. Nos produits remplissent le couffin traditionnel de la mariée tunisienne, pour le jour de son hammam. Ce genre de produits ne s’achète que chez nous, les parfumeurs où la qualité est garantie. Nous vendons également le « Bkhour » (l’encens). C’est notre deuxième produit phare après les parfums.

Mdinti : Comment se porte votre petite entreprise ?

Zouhair : Au début ça allait bien, ensuite, il y a eu les attentats… On les a sentis passer. Les répercussions sur le tourisme ont été dévastatrices et de là l’économie entière du pays a pris un nouveau coup. Heureusement pour moi et pour tous d’ailleurs, les gens continuent à s’aimer, à se marier et à fêter joyeusement leurs unions.

Mais les charges de la boutiques sont tout de même importantes. Le loyer est conséquent. C’est pas facile tous les jours surtout avec la situation du pays et la crise du Covid n’a rien arrangé… Mais je ne me vois pas quitter la Médina, je ne pourrai jamais ouvrir une boutique ailleurs.

La Médina a une place spéciale dans mon cœur, je ne pourrai jamais vivre loin d’elle. L’air ici est spéciale. Quand je marche dans ses rues et que mes pieds foulent son sol de pierre, je me sens transporté.

Ma boutique est petite mais elle est assez large pour les 10 millions de tunisiens…